C’est à Hong Kong que j’ai vraiment compris ce que voulait dire "poulet-riz". Dans cette ville qui carbure à la vapeur et au bouillon clair, j’ai vu des files entières de clients attendre leur assiette de volaille bouillie et leur riz gras comme on attendrait une côte de bœuf maturée. Pas d’esbroufe, juste la précision, la patience et l’assaisonnement juste. Là-bas, ce plat est un test. Une leçon de dépouillement.
Mais c’est à Singapour que le Hainanese Chicken Rice est devenu culte. Importé par les migrants chinois de Hainan, il a été adapté avec les produits locaux, affiné dans les hawker stalls — ces cantines de rue couvertes, où chaque stand ne cuisine qu’un ou deux plats, mais les maîtrise à la perfection. Là-bas, tout le monde a son adresse préférée, son niveau de piquant, sa version du riz. On en mange à toute heure, à tous les prix, et toujours avec le même respect pour les gestes : pocher, infuser, découper, napper.

Ma relation avec l’Asie est marquée par ces instants simples et sincères. Pas d'exotisme plaqué, pas de clichés. Juste une admiration pour cette capacité à faire beaucoup avec peu. L’art de faire d’un blanc de poulet quelque chose de tendre et parfumé. De transformer le riz en une éponge dorée pleine de goût. De verser une huile brûlante sur du gingembre râpé pour créer une sauce qui claque.

Cette recette, c’est un hommage à ça. Pas la version cérémonielle à base de poulet entier et de choc thermique glacé. Juste une adaptation du quotidien, faisable un soir de semaine, sans perdre l’essence. On cuit doucement, on infuse longuement, on assaisonne au millimètre. Et surtout, on sert le tout avec du riz qui a bu le bouillon.
Parce que parfois, ce qu’il faut, ce n’est pas plus d’ingrédients. C’est plus d’attention.